Trop souvent, les médias et le tourisme véhiculent une fausse image du marais poitevin. Contrairement à ce que laisse croire l'icône de la vache dans une barque au milieu d'une cathédrale de verdure, le marais poitevin, ce n'est pas juste un chouette coin avec des prairies et des canaux, dans lequel tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le marais poitevin, c'est un vaste territoire de 100 000 hectares, qui s'étend sur trois départements (Deux-Sèvres, Vendée, Charente-Maritime). De Niort à la Baie de L'Aiguillon, la Sèvre Niortaise en est l'artère centrale.
Le marais poitevin, c'est une multitude de paysages et un système hydraulique complexe.
Avant d'entrer dans le marais, il faut observer ce qu'il y a autour. Le marais est entouré de grandes plaines, sur environ 535 000 hectares. La plaine calcaire de l'Aunis constitue la bordure sud du marais, tandis qu'au nord, la plaine calcaire de Luçon - Fontenay-le-Comte laisse rapidement place au socle granitique et schisteux. Les pentes de ces plaines sont dirigées vers le marais, plus bas, qui forme une véritable cuvette réceptacle des eaux de ruissellement. Remembrées à partir des années 1960, ces plaines sont majoritairement exploitées par la grande culture céréalière.
Le marais mouillé, c'est l'image touristique du marais. Sur une surface d'un peu plus de 28 000 hectares, le marais mouillé présente un paysage extraordinaire, pays de terre et d'eau. Les parcelles sont entrelacées d'un très dense réseau de canaux bordés de frênes, de saules, d'aulnes et de peupliers. Les parcelles étaient exploitées en pâturages, en jardin maraîchers, ou en terrées (plantation de frêne destinée à la production de bois de chauffage).Faune et flore y sont d'une richesse exceptionnelle.
Tous les hivers, ces terres sont inondées (cf couverture). C'est l'Evaïe (la crue en patois). Seuls les arbres émergent de cette vaste étendue d'eau. A la décrue, une pellicule grasse de sédiments recouvrent les terrains. L'Evaïe, c'est la richesse biologique et agricole du marais mouillé.
Cet espace est en crise. De plus en plus de terrains sont abandonnés à la friche tandis que des centaines de kilomètres de canaux se bouchent et disparaissent, faute d'entretien.
Ce paysage est bien moins connu, car beaucoup moins beau. Le marais desséché correspond pourtant à l'espace le plus grand du marais poitevin, recouvrant environ 65 000 hectares. Ces terrains sont préservés des inondations et donc propices aux grandes cultures.
Il s'agit d'un paysage nu, avec seulement quelques arbustes au milieu de terrains plats, exploités en pâturages (de moins en moins) ou en culture céréalière intensive (de plus en plus). Au milieu de ces terres apparaissent quelques canaux et fossés. Ca ressemble un peu à la hollande.
Les espaces prairiaux du marais desséché fournissent une source de nourriture pour de nombreux oiseaux et des zones favorables au développement de nombreuses plantes. Malheureusement, ils sont menacés par une agriculture céréalière conquérante.
La Baie-de-l'Aiguillon constitue l'estuaire de la Sèvre-Niortaise. Vaste vasière d'environ 8 000 hectares située sur les routes migratoires entre Afrique et Europe du Nord, elle sert de halte de repos à une multitude d'oiseaux migrateurs, certains s'arrêtant même pour hiverner. Dans la baie, le mélange entre eaux salées de l'océan et eaux douces évacuées par le fleuve permet le développement de la mytiliculture. Chaque année, environ 10 000 tonnes de moules sont produites.
Le marais est une zone humide, réceptacle des eaux de pluie qui ruissellent depuis le bassin versant. Un dense réseau de canaux vise à drainer le marais pour le rendre cultivable en expulsant l'eau douce vers la Baie de l'Aiguillon, vers l'océan.La gestion des niveaux d'eau n'est pas un problème simple à résoudre. Il faut en effet évacuer l'eau douce tout en empêchant les retours d'eau salée. En plus de la digue de front de mer qui protège les terres des fortes marées, les canaux débouchant sur le littoral sont équipés d'un système de soupape, appelé " porte à flot ". Ce système est très efficace mais limite les temps d'évacuation (à marée basse) et donc les débits.
En hiver, lorsque les pluies sont abondantes, il est fréquent que les bassins versants déversent plus d'eau sur le marais que ce qu'il est possible d'évacuer. Pour éviter une immersion complète du marais, une zone va servir de tampon. C'est le marais mouillé. Marais mouillé et marais desséché sont séparés par une digue, ou " levée ", qui stoppe l'eau dans la partie amont (marais mouillé) afin de préserver la zone avale (marais desséché) de l'inondation.(cf schéma ci-dessus). L'"Evaïe", la crue sur le marais mouillé, peut survenir entre l'automne et le printemps et durer de quelques jours à plusieurs mois.
L'été, la situation s'inverse. L'eau vient à manquer. Afin de conserver l'eau, les canaux sont équipés de multiples écluses et barrages. L'eau stockée dans le marais mouillé peut alors être redistribuée au marais desséché par l'intermédiaire d'une " bonde ", trappe réalisée dans la levée qu'il suffit de relever. L'eau transite alors des canaux du marais mouillé vers ceux du desséché par alimenter culture et bétail.
Les lignes qui précèdent ont pour but de présenter simplement le marais et les paysages qui le composent. Il ne s'agit que d'une première approche d'un système hydraulique et agricole complexe que l'homme n'a cessé de faire évoluer depuis le moyen-âge.
Afin d'appréhender plus finement les liens entre ces diverses entités, le rôle de chacune d'elles, et les enjeux auxquels le marais est aujourd'hui confronté, il faut en passer par l'histoire de la formation du marais.